Vanuatu. Parfois quand j'ai un nouveau jeu, la première partie est très attendue de ma part, et ce fût le cas avec celui-ci. Seulement voilà, j'ai de plus en plus de jeu dans ma ludothèque (je ne vais pas m'en plaindre) et comme j'aime aussi multiplier les parties avec mes autres jeux, je n'ai pas eu l'occasion de jouer à Vanuatu dès notre retour d'Essen.
Lorsque l'annonce de la venue de ce jeu à été faite par Krok Nik Douil, je n'ai pas été du tout attiré à cause du thème. Et oui, même un amateur de kûbenböas peut-être sensible au thème et les îles paradisiaques ne m'emballent pas plus que ça, préférant la renaissance, le moyen-âge, la révolution industrielle ou les luttes commerciales. Malgré ça, une fois la mécanique d'un jeu découverte et appréciée, le thème, je m'en balance un peu.
Parce que j'aime ça, j'ai lu les règles et mon intérêt a été titillé. Le mécanisme de programmation des actions par majorité me plaît beaucoup, cela requiert de la planification, de la déduction des besoins adverses et permet des petits coups de pourris. Et puis sont venues les deux Tric Trac TV qui ont fini de me convaincre : Vanuatu est un jeu pour moi. Le voilà inscrit sur ma liste pour Essen. Là-bas, j'ai eu la possibilité d'être acceuilli par l'équipe KND sur leur stand afin d'y jouer quelques tours de jeu. Même si deux de mes amis n'ont pas vraiment accrochés, je l'ai acheté avec la ferme intention de les convaincre.
Le jeu est constitué de diverses actions permettant de se déplacer, marquer des points et gagner de l'argent. Toutes ces actions sont articulées autour du génial système de programmation des actions. Le genre d'idée que tous les auteurs de jeu doivent rêver d'avoir eue. Ce que je veux faire doit être planifié avec cinq jetons d'actions qui sont à placer dans une séquence 2+2+1 en respectant l'ordre du tour. Celui-ci est prépondérant dans la manière de jouer et il ne faut pas agir de la même manière si on est premier ou dernier joueur.
Il est bien utile avant de démarrer la première partie de prendre le temps d'exposer les particularités de la situation du premier joueur. Sentir quand il faut tenter de passer premier joueur est un des moments clés au cours d'une partie. L'unique inconvénient du premier joueur demande plus de vision sur le jeu des autres et sera peut-être pénalisant pour certaines personnes malgré la liste plus longue des avantages.
Avantages :
— Le premier joueur remporte toujours une égalité sur une majorité pour le choix d'une action.
— Il place les deux nouvelles tuiles au début du tour.
— Il choisit en premier un nouveau personnage disponible (avec les règles de bases.)
— Il gagne trois Points de Prospérité à la fin du jeu.
Inconvénient :
— Il est le premier à déposer ses jetons sur les cases actions, ce qui rend plus difficile la prise de majorité.
Une fois la programmation terminée, on les exécute toujours dans l'ordre du tour. Mais pour qu'une action soit résolue, il faut être le joueur majoritaire sur la case d'action : si j'ai le plus de pions d'actions sur une case d'action, je peux la réaliser. Si plusieurs joueurs sont a égalité, c'est le premier joueur qui a la priorité, puis le deuxième et ainsi de suite jusqu'au dernier. Si à mon tour de jeu, je ne suis majoritaire dans aucune des actions, je me vois dans l'obligation de retirer tous mes jetons d'une seul case et de renoncer à ce que j'espérais faire. Vous voyez l'importance de l'ordre du tour ?
La concurrence est rude et elle est d'autant plus que le nombre de joueurs est élevé. Chaque pose de jeton d'action doit être réfléchie et les dilemmes sont permanents. Si on s'éparpille sur plusieurs actions, il y a un risque de ne pas pouvoir en jouer certaines et si on concentre nos jetons sur seulement deux actions, et bien… on n'en fait que deux ! Et encore, ce n'est pas garanti.
Les personnages |
Le commerce extérieur |
Le timing est important. Par exemple, il est intéressant de laisser construire quelqu'un d'autre pour que votre action de transport de touriste soit plus intéressante. Acheter des marchandises après un autre joueur vous permettra peut-être de remplir un navire et de gagner les deux PPs de bonus. À contrario, les places pour dessiner sont rares, les poissons ne se renouvellent pas et les trésors en nombre limité peuvent s'avérer très rentables. Et là, il vaut mieux passer avant les autres.
L'argent est rare lui aussi, ce qui empêche de répéter l'action d'achat des marchandises pour le commerce extérieur, génératrice de PPs. Les moyens de gagner des vatus (la monnaie) doivent être joués périodiquement car sans argent, on ne navigue pas et sans navigation, la plupart actions ne sont pas possibles. Notre unique bateau doit en effet être à proximité d'une île qui, grâce à ce qui s'y trouve, permet la réalisation de l'action choisie. Se déplacer au bon moment est crucial, et évidemment se déplacer coûte de l'argent.
Une série de personnages représentés par des tuiles sont disponibles pour améliorer certaines actions. Ces personnages ne sont sensés être utilisés que par les joueurs débutants et leur absence corse la difficulté du jeu encore un peu plus. Mais je pense que les inclure à chaque fois n'est pas une mauvaise idée car il sont initiateurs de choix tactiques (pour priver ou leurrer les adversaires) et stratégiques, comme choisir de passer premier joueur pour choisir un personnage précis.
Les voies stratégiques multiples sont possibles. On peut par exemple être largué sur la piste de score mais gagner beaucoup plus de PPs que les autres avec les cabanes lors du décompte final. Il est possible de favoriser l'achat de marchandises, ou bien la recherche de trésors. La vente de poissons, si l'on est patient, peut rapporter gros en PPs et en vatus. Un jeu ouvert et tendu, donc.
Franchement, dès la première partie, je me suis pris une claque par Vanuatu qui m'a vraiment impressionné par sa dimension calculatoire, certes limitée, mais permanente et par la tension qu'apporte la nécessité de devoir jouer une action précise à un moment précis. Un autre aspect que j'aime retrouver ici est quelque chose que je retrouve dans mon jeu favori : Hansa Teutonica. C'est qu'il ne faut pas laisser une stratégie profiter seule à un joueur : laisser quelqu'un prendre tous les trésors ou construire la plupart des cabanes est une très mauvaise idée.
L'habillage est paradisiaque, la réalité du jeu est tout autre : c'est très méchant. On ne se fait pas de cadeaux lorsque l'on a le choix entre deux actions possibles, il faut prendre celle qui permet de bloquer les autres joueurs ailleurs. Il est possible pour un joueur de voir toute ses actions annulées. Si vous aimez ça, foncez !
Vanuatu est édité par Krok Nik Douil éditions. De trois à cinq joueurs avec une durée de jeu estimée à 90 minutes d'après la boîte, mais à cinq joueurs c'est sensiblement plus long. Ce qui, pour un jeu de ce genre, ne me dérange absolument pas du tout.
Et pour conclure, je ne résiste pas à la tentation de présenter le commentaire de Talitati après sa première partie complète de ce jeu :
J'explique deux tours pendant lequels tu t'endends dire :
—"Ah ben non tu peux pas faire ça."
—"Quoi je peux pas pas pêcher ??"
—"Et bien non, tu dois bouger d'abord, y a pas de poisson ici…"
—"Ok je bouge… mwais"
—"Non, t'as pas de sous : ZÉRO tu vois là…"
—"Ah bon, alors je bouge des touristes pour avoir des sous…"
—"Ah ça tu peux, mais c'est con y en a plus.
—"Bon, je vais vendre mon poisson alors !"
—"Ah ça tu peux pas."
—"Pourquoi ?"
—"Et bien t'as pas de cabane… Ah mais si, tu peux, t'as le vendeur ouf… Non, t'as pas de poisson !! Tu dois pêcher d'abord !"
—"Ahhhhhhggggggg !!!!!!!!!!!!!"