Un jeu de Sebastian Bleasdale et Richard Breese, le septième d'une série de jeu portant tous le mot "Key" dans leur nom. C'est le premier de la série sur lequel je me penche puisque je n'avais jamais entendu parler des autres avant, tout simplement.
C'est seulement trois jours avant mon départ pour Essen 2012 que, sur BoardGameGeek, je tombe sur des informations au sujet ce jeu en voyant des photos du matériel. De nombreuses tuiles hexagonales (64), une foule énorme de meeples (141), une montagne de ressources style Puerto Rico (120), et des paravents en forme de maison. La règle est disponible… je la lis aussitôt plusieurs fois de suite. Ce jeu ne ressemble à rien (d'autre de ce que je possède) et il passe immédiatement en seconde position sur ma liste d'intérêt pour Essen, derrière Nieuw Amsterdam. Et comme ce dernier est retardé pour des raisons de fabrication, Keyflower passe en tête. Bon, j'arrête de raconter ma vie.
Dans la boîte, un nouveau monde à créer… |
Le principe général du jeu est de développer un village à partir d'une tuile de départ et d'une population de huit meeples piochés au hasard dans un sac qui en contient 120 (40 dans trois couleurs : rouge, jaune et bleu). Le jeu est découpé en quatre manches : les saisons. Au début de chaque saison, des tuiles sont proposées au centre de la table au plus offrant et à la fin de chaque saison, des nouveaux meeples immigrants intègrent les villages des joueurs. La dernière saison, l'hiver, est légèrement différente car il n'y a plus de nouveaux meeples mais on peut acquérir les navires qui nous ont ravitaillés jusqu'ici. Ces navires donnent des moyens de marquer quelques points.
Chaque joueur commence la partie avec huit meeples piochés au hasard et gardés secrètement derrière une maison. Une unique tuile constitue le point de départ de chacun des villages. Il y en a six en tout car ce jeu est parfaitement jouable de deux à six joueurs. Excellent.
Seulement deux actions et des tonnes d'options. |
La tuile de départ n°1. Recto et verso. |
Pendant une saison, les joueurs se succèdent en sens horaire en jouant une des deux actions jusqu'à ce que tous les joueurs passent successivement. Un joueur peut donc passer pour rejouer une action une fois son tour revenu. Il n'y a que deux actions possibles : enchérir et activer.
Enchérir : Pour acquérir une tuile, les joueurs doivent poser des meeples sur le coté de l'hexagone leur faisant face. Celui qui pose le plus de meeples remportera la tuile hexagonale pour l'intégrer à son village à la fin de la saison. Les enchères doivent obligatoirement se suivre dans la même couleur, ce qui en fait un aspect intéressant pour bloquer les autres joueurs selon la couleur utilisée (surtout les meeples verts, j'y reviens plus tard).
Activer : On a donc un village qui incorpore des nouvelles tuiles au gré des saisons. Ces tuiles sont pour la plupart activables par nos ouvriers meeples pour générer des ressources, se procurer des outils ou bien encore faire du recrutement directement dans le sac en tissus surpeuplé. On rencontre ici une mécanique bien connue : la pose d'ouvriers mais en proposant des particularités inédites. En effet, en plus d'activer nos propres tuiles, on peut aussi aller sur celles dans les villages adverses et même sur les tuiles en cours d'enchères. La liberté est totale, les choix sont nombreux et les conséquences à étudier.
Vous vous rappelez plus haut, de la contraire de surenchère ? Et bien elle est aussi valable pour la pose de nos ouvriers. En gros, une seule couleur de meeple est autorisée autour (enchère) et sur (activation) une tuile. Le premier à intervenir sur une tuile où qu'elle soit (chez nous, les autres ou au milieu), fixe une contrainte pour tous les autres candidats enchérisseurs/activateurs. Une excellente idée qui fait que les interactions sont permanentes. Mais il y a encore une autre bonne idée…
Une tuile s'active au maximum trois fois. Pour activer une tuile il faut mettre un ouvrier pour la première activation, deux pour la deuxième, trois pour la dernière. Mais rien n'oblige d'en poser une seul lors de la première activation. Et ce, tout en sachant qu'une tuile ne peut accepter au maximum que six meeples en son sein. Et là aussi, il y a des possibilités pour embêter les concurrents. Si je commence avec une activation utilisant un seul ouvrier, je laisse théoriquement deux activations disponibles (1+2+3). Si je décide plutôt d'en mettre deux d'emblée, je ne laisse plus qu'une seule activation possible (2+3). Irais-je jusqu'à poser immédiatement trois ouvriers pour faire l'unique activation de cette tuile pour la saison ? Il y a souvent un dilemme entre le fait de se laisser des activations futures pour soi-même ou bien le fait de limiter ces mêmes activations pour les autres joueurs.
Il est intéressant de s'attarder sur le sort en fin de saison de tous les meeples joués. Certains rentrent au bercail et d'autres replongent dans les ténèbres du sac en tissus. Voici en détail les cas de figure :
• Enchères perdues : retour à la maison.
• Enchères gagnées : dans le sac.
• Ouvriers sur une tuile dans un village : dans la maison du propriétaire de la tuile.
• Ouvriers sur une tuile aux enchères : dans la maison de l'acquéreur s'il y en a un, ou sinon dans le sac.
Ça rajoute pas mal de choses aux interactions décrites dans le précédent paragraphe.
Et les meeples verts alors ? Oui, en plus des autres logés dans le sac, il y a une réserve de 20 ouvriers de cette couleur sur la table. Les moyens pour s'en procurer sont rares et un joueur possédant quelques individus verdâtres ont des chances très élevées d'assurer le gain d'une nouvelle tuile ou bien encore d'empêcher l'activation d'une tuile par les autres joueurs ne possédant pas d'ouvriers verts.
Keyflower, ça fait flipper (les tuiles). |
Certaines tuiles offrent un pouvoir spécial lors de leur activation. Ce sont notamment les six tuiles de départ et les tuiles Farrier, Stable et Mainwright. L'icônographie de ces tuiles reprend un attelage chiffré et un ou deux bâtiment(s). Le nombre de l'attelage précise des unités de déplacements pour les marchandises. Un 2 permet de déplacer deux marchandises d'une tuile ou bien une seule marchandise sur deux tuiles. Ensuite, il est possible de retourner une tuile pour chacun des symboles maison afin de l'améliorer.
Toutes les tuiles permettant le transport et l'amélioration. |
Oui, parce que les tuiles sont double faces et qu'il est toujours bon de les retourner, soit parce que le pouvoir à activer est plus puissant, soit parce que les points de victoire sont plus nombreux, soit pour les deux raisons. Pour permettre cette amélioration, des ressources ou des outils sont nécessaires, et c'est pourquoi les pouvoirs de déplacement sont indispensables. Il faut également penser à réfléchir un petit peu lorsque l'on intègre une nouvelle tuile au réseau de routes de notre village. Les déplacements doivent idéalement être courts et efficaces, parce que vous aurez la possibilité d'en faire beaucoup moins que vous ne l'espériez.
Chacun son tour. |
Le 141è meeple est mauve et c'est lui qui indique qui est le premier joueur. La détermination de l'ordre du tour (mais pas seulement) se fait également par enchères d'ouvriers. Des tuiles numérotées (de 1 à 4 selon le nombre de joueurs) sont à gagner pour savoir qui va choisir en premier parmi les bateaux chargés de colons meeples et d'outils. Évidemment, les cargaisons ne sont pas équivalentes. Non seulement à cause du hasard de la pioche de meeples, mais également à cause des particularités propres de chacun des navires en ce qui concerne le nombre de meeples et d'outils embarqués.
Les tuiles d'ordre du tour et les navires dans deux configurations. À gauche pour trois joueurs et à droite pour quatre joueurs. |
Les enchères autour des tuiles d'ordre du tour permettent donc de gagner des navires. Enfin… on ne gagne pas vraiment ces tuiles (sauf en hiver) mais plutôt un ordre de passage. Petite particularité, celui qui gagne la tuile de plus haute valeur devient le premier joueur mais choisit son bateau plus tard. En hiver, donc, les tuiles d'ordre et les bateaux sont à gagner et à incorporer dans notre village pour gagner quelques points de plus.
Considérations stratégiques. |
Et maintenant, vous pourriez me poser la question suivante : "C'est bien beau tout ça, mais ça à l'air complètement opportuniste comme jeu, non ?" Et moi, je vous dirais : "Non, non !"
Parce qu'il y a les tuiles de la saison hivernale et que ce sont des machines à PVs. Si vous ne voyez pas en quoi cela apporte de la stratégie, c'est parce que vous ne savez pas encore comment elles sont injectées dans le jeu. Chaque joueur va, au début du printemps, en recevoir quelques unes selon le nombre de joueurs. Les tuiles d'hiver sont les seules à ne pas être double faces et on peut les garder secrètes jusqu'au début de l'hiver. Contrairement aux autres saisons où un nombre déterminé de tuiles sont prévues et proposées aux enchères, les tuiles hivernales sont sélectionnées par les joueurs eux-mêmes qui choisissent d'en garder une ou non pour les enchères selon la situation favorable ou non du jeu jusque là.
Winter is coming… for the victory points. |
Par exemple, de deux à quatre joueurs, tout le monde en reçoit trois au début de la partie pour décider d'en inclure au moins une à la fin de celle-ci. Si je possède le Jeweller qui donne deux points de victoire par or et que le village d'en face fait tourner sa Gold Mine à plein régime, je ne vais pas la mettre en jeu. Mais il faut bien prendre en compte que moins je décide d'ajouter de tuiles hiver, plus la concurrence risque d'être rude sur celles qui seront là.
On en refait une ? |
Keyflower est quand même addictif car il donne l'envie de tenter plusieurs choses avec la multitude des tuiles proposées, d'autant plus qu'elles ne sont pas toutes utilisées lors d'une partie. De plus, la durée de jeu est relativement courte et la fin de l'année arrive bien vite accompagnée d'un peu de frustration. Comptez entre 90 et 120 minutes par partie, selon le nombre de joueurs, mais c'est une estimation pessimiste car c'est plus court en réalité. Détail qui peut avoir son importance : le jeu à deux est excellent.
Keyflower est édité par R&D Games en anglais et en allemand. Le matériel n'est que légèrement dépendant de la langue puisque seuls les noms des tuiles figurent sur celles-ci dans ces deux langues. Une version française est normalement prévue chez Gigamic. (Ajout : En fait, c'est une édition multilingue distribuée par Gigamic.)